L’instant Karmarama au Cuvier

par Philippe Desmond, photos Thierry Dubuc.

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Le blog bleu d’Action Jazz parle de jazz bien sûr, quelquefois il se surprend à évoquer du blues ou du boogie-woogie mais ce soir il va vous parler d’autre chose. Et l’auteur avait depuis longtemps envie de parler de cette autre chose, envie de parler de musique tout simplement et surtout de ces musiciens là, pas forcément de jazz, pas du tout de jazz d’ailleurs, quoi que, John McLaughlin était bien parti dans ces sphères là…

Parlons du Mark Benner Band plus exactement de son projet Karmarama un mélange d’instruments indiens comme le sitar et le tabla et de guitares, claviers et batterie.

Nous sommes ce soir à un « apéro pop » au Cuvier, la salle de spectacle d’Artigues-près-Bordeaux. Trois fois par an un concert est offert par la municipalité, charge à une association locale –aujourd’hui le comité des fêtes – d’organiser la restauration et le bar. Une très bonne idée, qui fait le plein à chaque fois. Voir chronique du 24 mai 2015.

Le Mark Brenner Band c’est avant tout un groupe de pop-rock qui joue des reprises , mais un des meilleurs. Son leader Mark Brenner est britannique, mais vit en France depuis plus de vingt ans, ayant craqué pour un endroit qui fait rêver tant de monde, le bassin d’Arcachon. Chanteur, compositeur, bassiste, guitariste, ukuléliste, sitariste, il maîtrise aussi la contrebasse avec laquelle il peut jouer tout standard de jazz.

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Avec lui Thomas Drouart, pianiste éclectique passé par le reggae – il avait alors les dread locks – le jazz fusion, la pop, la soul, le funk… un cador qui lui aussi peut tout jouer,

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A la batterie un autre musicien éclectique qui a notamment joué avec le groupe de jazz fusion – pour faire simple – Post Image, Antony Breyer.

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Ce groupe est aussi bien capable de vous animer une soirée entre potes que de mettre le feu à un camping devant 2000 personnes un soir d’été. Le 10 juillet, devant plus de 40 000 personnes, ils seront d’ailleurs les animateurs de la fan zone des Quinconces le soir de la finale de l’Euro de foot. Ce groupe propose aussi un spectacle remarquable en hommage aux Beatles ; à voir.

Mais ces excellents musiciens et notamment le leader sont avant tout des artistes. Mark a à son actif plusieurs disques qui ne sont composés que de titres originaux, le prochain étant en cours de réalisation.

Ce soir Mark nous propose un autre de ses projets, Karmarama, aux accents indiens avec sitar, tabla etc… Les Britanniques ont un fort passé avec l’Inde, Mark entretient cet héritage. Récemment à la guinguette chez Alriq il a joué avec le projet Jazzindia du guitariste Tom Ibarra, comportant deux musiciens traditionnels indiens.

Le concert commence en duo, Mark au sitar accompagné au tabla par Matthias Labbé, venu spécialement de Paris, un des meilleurs joueurs de tabla actuellement, disciple de Anindo Chatterjee de Kolkata pour les connaisseurs. Certains dans l’assistance sont inquiets, ce genre de musique râga étant un peu spécial pour nos oreilles occidentales.

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Mais très vite le répertoire se fait plus familier, les arrangements indiens transformant avec bonheur des titres connus. Amusants ces début de morceaux qui se transforment en blind test ! « Here comes the rain again » de Eurythmics, puis « Roxanne » de Police, « Mercy Street » et « Solsbury hill » de Peter Gabriel bien sûr, la pépite « Running up that hill » de Kate Bush, « Fields of Gold » de Sting,« Somebody that I Used to Know » de Gotye, pas mal de Britanniques…

Le jeu et la résonance des cordes sympathiques du sitar, le son typique du tabla métamorphosent ces titres ; des nappes de clavier viennent entretenir cette atmosphère parfois planante. On a même droit à un duel magnifique entre la batterie d’Antony et le tabla de Matthias, duel d’instruments, duel non violent de cultures, magnifique.

La pause permet de se ravitailler en tapas et rouge ou rosé dans une ambiance des plus douces et conviviales. Le public pour la plupart novice de ce genre de musique est déjà conquis.

Les Beatles ne sont pas oubliés avec« Norwegian Wood » et son beau son de sitar, puis une version originale de « In the air tonight » de Phil Collins, le tabla donnant cette couleur caractéristique. Suit une composition de Mark Brenner et une surprise avec l’arrivée dans la salle et instantanément sur scène de Dany Ducasse – du John Perkins Group Revival – qui s’empare du micro avec son harmonica – toujours dans la poche – pour un excellent solo totalement improvisé car imprévu !

« Scarborough Fair » de Simon and Garfunkel, « A Horse with no Name » d’America, « I’m Yours » de Jason Mraz, « Budapest » de George Ezra complètent le set avec toujours cette présence envoûtante du tabla, et parfois du sitar de Mark, sur cette base pop. Pop music qui justement dans les années 60/70 a baigné dans cette culture alternative aux aspect spirituels légèrement embrumés de fumées diverses et variées plus ou moins légales… Mark passe d’un instrument à l’autre avec aisance, Thomas assurant rythmique ou harmonie avec ses claviers. Côté percussions c’est aussi du beau travail la batterie et le tabla se complétant fort bien.

Le public un peu désarçonné au début en redemande et deux rappels seront nécessaires pour le rassasier. Belle redécouverte de ces titres ce soir.

De la pop peut-être, de la world music pourquoi pas, mais l’esprit jazz n’est pas loin notamment dans certaines impros et d’ailleurs on s’en moque, le plaisir de la musique étant lui toujours présent. Les collaborations du Mark Brenner band avec des jazzmen reconnus comme Roger Biwandu, Jean-Christophe Jacques ou encore avec Shekinah Rodz confirment qu’en ce domaine les frontières sont heureusement bien fragiles pour ceux qui ont les oreilles ouvertes à tous les styles ; c’est le cas d’Action Jazz !

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